jeudi 8 mars 2018

Lettre à mon ami



Salut mon ami, 

Je ne te demanderai pas comment tu vas parce que je ne le sais que trop bien.  Tu vas pas.  T’essaies, mais ça marche pas.  Tu fais comme si de rien n’était devant le monde, mais tu crèves par en dedans.  Tu vois pu le « boutte », tu vois pu la lumière au bout du tunnel; tu te sens pris au piège dans le putain de tunnel noir sans lumière.  Ça s’est installé tranquillement ton affaire, implicitement et tu l’as pas vu venir… Pis là bin, ça te saute dans face : t’es pas heureux.  Plus loin que ça; t’es malheureux. 

Tsé mon ami, tu sais pas trop pourquoi t’es malheureux.  Tu fais juste le sentir.  D’ailleurs « on s’est senti » parce que t’es venu te faire bercer juste un peu, avec mes mots quand tu t’es senti de même.  Tu savais bien que j’avais eu le même « boutte rough »… T’avais besoin de te faire dire que ça allait bien aller, que ça allait s’arranger, que le calme reviendrait après la tempête.  Mais je t’ai pas dis ça… Parce que c’est juste pas vrai.  Ça va pas s’arranger parce que t’as traversé de « l’autre bord ».  Quand t’es allé là, y’a pu de retour en arrière.  T’es pris là « de l’autre bord » pis bonne chance pour revenir dans l’utopie où tu pensais te trouver. On appelle ça une prise de conscience.

Prise de conscience de quoi? De ta vie. Tsé quand tu fermais les yeux quand t’étais p’tit, tu t’imaginais vieux à 30 ans (ouf…) avec tes flots, ta femme, ta maison, ta piscine pis ton BBQ… Tsé tu te disais que c’était ça le bonheur avec le regard candide que t’avais.  On voyait grand en étant si petit.  Maintenant on voit petit en étant si grand.  C’est là que le bat blesse.  On est lucide.

T’es lucide que t’as une belle vie mais t’es malheureux.  T’es lucide que t’es en santé mais t’es malheureux.  T’es lucide que t’as une situation enviable pour plusieurs mais calvaire t’es quand même malheureux.  Tu te poses 1000 questions sur comment gérer ta vie avec tous les événements qui se bousculent, tu te demandes comment pas tout gâcher ce que t’as bâti, tu te demandes comment reprendre main mise sur toi, tu te demandes comment ne pas scrapper ta vie.

Mon ami que j’aime tant… c’est déjà scrappé.  Tu t’es réveillé de la période de latence d’où tu te trouvais depuis si longtemps.  T’es pu spectateur de ta vie, t’es rendu acteur.  T’as un rôle à jouer dans le film de ta destinée mon homme pis c’est d’être heureux.  Pis je t’annonce que ce sera la quête la plus dure de ta vie.  Parce que le bonheur c’est ça qu’on vise, c’est ça qu’on souhaite, c’est ça qu’on veut… on l’espère tellement depuis toujours.  Mais si le but ultime en tout se trace toujours en un chemin sinueux et dur, le chemin du bonheur l’est tout autant.  Tu pensais même l’avoir trouvé… Mais le bonheur là, il change, se modernise, se transforme, se renouvelle et même parfois; il meurt.  Le bonheur on le veut pour la vie mais il est éphémère.  C’est une agace le bonheur mon gars… Tiens-toi le pour dit.

Il va t’agacer en se nichant à des endroits que tu ne soupçonnais pas.  Il va t’attirer avec des artifices qui vont te surprendre.  Il va résider en des personnes que tu ne voyais pas.  Mais il ne te dira jamais s’il va rester.  Il fait ce qu’il veut pis il se tape bin de toi pis de tes attentes.  Il passe, il part, il revient, il disparaît pis toi bin, fais avec! C’est ça le deal pour pouvoir y goûter.  Mais ç’a tellement bon goût que tu vas accepter pareil l’entente que la vie te propose même si c’est pas équitable.  On est addict au bonheur donc n’importe quoi pour avoir ton « fixe ».

Je te jure que j’aimerais ça te dire que ça va bien aller, que ça va se placer, que ça va revenir comme avant… mais j’peux pas.  Ce sera pu jamais comme avant minou… Pis sais-tu quoi, c’est une bonne nouvelle.

Ça voudrait dire que tu retournerais dans le mirage du bonheur de ta vie.  Ça voudrait dire que tu recommencerais à avoir une boule à l’intérieur de toi sans savoir pourquoi.  Ça voudrait dire que tu verrais pu les belles choses de ta vie parce que tu chercherais inconsciemment à en voir des plus belles dans une vie inaccessible que tu t’imagines. Ça voudrait dire que tu te fais pas encore passer en premier.

Non t’es pas égoïste de faire passer ton bonheur en premier.  Sais-tu pourquoi? Parce que personne d’autre va le faire TON bonheur.  La preuve : t’as mis le contrat du bonheur de ta vie en sous-traitance pis t’es pas heureux. Je dis pas que ta vie est un malheur – t’as tant de beaux succès personnels et professionnels – mais se contenter c’est aux antipodes du bonheur, du vrai. 

Va le chercher peu importe où il se cache – ici ou ailleurs.  Va le chercher parce qu’il repasse pas souvent.  Va le chercher pour toi.  Parce que quand tu auras pris la décision de te rendre heureux, tu le seras.  Pis en attendant que tu te rendes là, je vais t’accompagner sur le chemin tortueux de ta poursuite du bonheur.  Ça va être difficile, tu vas vouloir tout lâcher pour retomber dans ton confort inconfortable qu’est ta vie comme tu la connais, mais tu ne seras pas seul.  Tu pourras toujours te réfugier dans mes bras, pour que je te berce… Je te le promets. 

Parce que moi, mon cher ami, je t'aime et ton bonheur; j’y tiens. 

Ta chum La Frustrée.