Novembre 2008. J’apprends que je suis enceinte après 11 mois de déception récurrente. Sache que tu fus voulue autant par ta mère que par ton père. Tu n’étais pas un « accident » suite à un oubli d’ingestion de cachet ou de caoutchouc déroulant. Tu as été souhaitée du plus profond de nos cœurs. Et enfin, en novembre, deux petites barres sur le test! Explosion de joie, larmes, ballade en voiture pour aller l’annoncer en personne à tes nouveaux grands-parents; le sentiment ressenti était indescriptible. Oui ma petite, tu fus désirée!
Ton papa souhaitait ardemment avoir SA petite fille. Contrairement à plusieurs garçons que je
connais, papa voulait une fille en premier.
Un fils l’aurait également comblé de bonheur mais papa voulait sa
princesse. Il m’a même dit qu’il savait,
avant même qu’aucun test ne soit fait, que tu étais une jolie demoiselle. Est-il devin ou simplement doté d’un sixième
sens (qui d’habitude appartient à la gente féminine) mais toujours est-il qu’il
a eu raison. Lors du test coûteux en
clinique privée, celui où l’on t’a aperçu pour la première fois en 3D, on nous
a confirmé le tout – nous attendions notre petite fille chérie. Nous étions comblés.
Contre toute attente (…) je me suis mise à anticiper. De quoi auras-tu l’air? Quel sera ton caractère? Comme maman?
Pas en trop grosse dose SVP si on veut que papa survive... Mais mon plus
gros problème était de te trouver un nom.
J’avais au moins 10 choix de noms de garçons mais je n’avais
aucun coup de cœur pour un nom de fille.
Étant affublée d’un nom pour le restant de ta vie, il me semblait
primordial que ce nom soit choisi avec attention et surtout que ce soit le
bon! Rien qui rime avec une platitude
question de te faire asticoter à l’école, pas de nom réécrit que tu devras
épeler toute ta vie car la moyenne normale des gens l’écriront de manière
standard (tsé le genre Wyl-lyam) et surtout, je ne voulais pas de nom
composé. Et pourtant…
Vers 4 ou 5 mois de grossesse, je commençais réellement à
paniquer. Moi les histoires d’attendre
de voir la face du bébé pour lui trouver son nom, ça ne me parlait pas. Sinon, tu aurais fini par t’appeler « ratatiner »
ou « cone-head » (le bébé est resté pris dans le passage… déduisez…). Non, je devais contrôler tout ce que je pouvais,
alors que je ne contrôlais plus rien de mon corps, et ton nom en faisait
partie. De plus, ça me permettait une
certaine proximité avec toi, en te nommant, puisque je n’étais pas du tout en
symbiose avec ma bedaine. J’étais juste
malade, point barre. Mais syndrome de la
page blanche peut-être, je ne trouvais rien.
De plus, je me chargeais de trouver le nom et papa donnait son
approbation (ou non). C’était l’entente. Rien de rien…
Tu ne le sais pas encore, mais dans cette période, deux
petits anges ont vécu jusqu’en février 2009.
Deux petites âmes, toutes jeunes, toutes neuves à qui la vie
appartenait. Soudainement, un jour, pour
des raisons obscures de grands, des raisons complètement choquantes, des
raisons qu’on n’arrive pas à s’expliquer malgré que l’eau ait coulé sous les
ponts, des raisons qui nous indignent, des raisons absurdes quoi, quelqu’un a
décidé de les renvoyer au royaume des cieux qui leur était, de toute façon,
acquis. Cette personne, c’était leur
papa…
Cet événement a fait trembler la terre du Québec. Notre petit monde s’est écroulé pendant
plusieurs mois et malheureusement, par la loi des hommes qui nous est parfois
complètement incompréhensible, elle continue de trembler 5 ans plus tard… Cet
événement a marqué l’imaginaire de notre société, tellement que la mère des
petits anges, cette maman en deuil, a dû parler ouvertement et publiquement du
drame qui a changé sa vie à jamais. Malgré
la douleur, elle le devait, car la société était en état de choc et ne
comprenait pas ce qui avait pu se produire.
Malgré qu’elle fût touchée personnellement, elle a dû faire abstraction
de cette douleur pour tenter d’expliquer au monde ce qui avait pu se produire
car l’horreur, sans les mots pour l’expliquer, ne peut s’estomper. Si on ne comprend pas, on devient fous… C’est
aussi simple que ça. Pour que la société
ne devienne pas folle par incompréhension, cette maman a justifié sa vie, s’est
tenue droite devant l’adversité et les jugements et surtout, elle a mis des
mots sur son film d’horreur pour tenter de nous réconforter avec la vie. C’est une grande femme – je te la montrerai
un jour.
En discutant de cet infâme acte avec ta tante Marie (tout le
monde ne parlait que de ça), elle m’a soudainement dit : « Et
Anne-Sophie? Ce serait un beau nom pour
ta fille, non? ».
Et voilà. Voilà
comment ton nom est apparu et s’est consolidé en moi. Tu n’étais déjà plus « bébé », tu
étais désormais notre Anne-Sophie.
Je l’ai écrit normalement, d’une façon standard. Ça ne rime avec aucune platitude malgré que
les enfants soient champions pour faire rimer n’importe quoi. Pour moi, ça rime avec espoir et
réconfort. Mais c’est un nom
composé. Et tu sais quoi? Je m’en fous complètement. Tu as un nom magnifique et je voulais,
silencieusement, faire revivre une Anne-Sophie alors qu’une autre s’était
éteinte. Ce nom est probablement à
jamais gravé dans l’imaginaire de notre société mais il l’est pour une toute
autre raison dans mon cœur – tu es la plus belle et la meilleure chose qui me
soit arrivée.
Et si tu avais été un garçon? Aujourd'hui, je choisirais le nom Olivier.
La Frustrée
Wow! ... merci d'avoir partager ceci avec moi cet après-midi ... je suis émue! ...
RépondreSupprimerP.S.: Mon fils se nomme Olivier! ;-)
Signée: Une collègue xx