**L’emploi
du féminin est complètement prémédité dans ce texte. Vous pouvez l’adapter au masculin selon vos
besoins. Merci **
Ma chère
héritière,
Nous
vivons de nouvelles choses ces temps-ci autant toi que moi. J’inclus aussi notre homme de la maison même
s’il en parle moins – on ne peut pas le blâmer d’être un homme, un vrai! Celui qui fait ses besoins debout et qui ne pleure
pas! L’ancien modèle qui se promène avec
des bottes de chantier mais avec une amélioration 3.0 : il peut te dire je
t’aime 1000 fois par jour et accompagnera ses bottes d’une couronne de
princesse si tu le lui demandes. Je vais
donc parler pour moi, avec mes mots à moi, même si je me doute qu’il partage la
majorité de mes paroles…« Quelles nouvelles choses maman? » t’entends-je me dire avec ta petite voix... Nous vivons la rentrée ma chère progéniture… Oui, oui je l’ai vécu quand j’étais petite comme toi, à peine avec 5 bouts de chandelles soufflés mais j’étais dans TES souliers. Maintenant je suis dans les miens, ceux dont je ne comprenais « que dalle » jusqu’au jour où je t’ai expédiée. Je n’ai pas compris immédiatement tout ce que ç’allait impliquer mais maintenant que je te vois entrer par la « grande porte » de cette institution que j’ai autant aimée que détestée, je comprends mieux. Comprendre, ma chère fille, ça peut être bénéfique à plusieurs égards, mais ça crée également beaucoup d’anxiété puisque tu peux « voir venir ». J’aimerais t’apprendre à moins comprendre mais malheureusement, ce n’est pas quelque chose que l’on peut apprendre. On s’accommode, on s’acclimate mais on ne peut combattre notre capacité à comprendre les choses. Et tu comprendras aussi que la vie serait beaucoup plus facile, beaucoup plus belle, si tu comprenais moins… Dans l’ignorance, le bonheur est facile.
Moi j’ai
compris beaucoup de choses quand j’ai assisté, médusée, à toute cette « procédure »
entourant la rentrée scolaire. Je parle
en termes de procédures puisque c’est exactement comme ceci que ça se
passe. Une procédure, c’est écrit,
tangible, rigide. C’est un cadre établit
qui doit s’appliquer à tous et à toutes sans aucune exception. Au niveau opérationnel, je suis complètement
d’accord. Mais j’ai appris que l’école,
là où on traite des enfants, des parents, bref des humains, on applique une procédure
opérationnelle.
Là où ma
mâchoire a descendu d’un pouce pour la première fois, c’est lors des rencontres
de parents. J’étais assise sur ces
bonnes vieilles chaises de bois qui, j’en suis sure, ont été conçues pour nous
persuader de ne JAMAIS doubler une année tellement elles sont
inconfortables. Pour que nos jeunes
retournent sur les bancs d’école, peut-on leur fournir au minimum des bancs
confortables? (C’était la phrase démagogique de la chronique…). J’écoutais consciencieusement ta directrice d’école
nous rabattre les oreilles avec ce qui est le plus important, LES RÈGLES, mais
j’ai toujours eu beaucoup de difficultés avec les règles. En fait, non, j’ai beaucoup de difficultés
avec l’absence de discernement visant l’application des règles. Il va de soi que j’acquiesce sur les règles de base de civisme ainsi que de
saines habitudes de vie. Lorsque l’on me
parle de respect, de politesse ainsi que d’esprit de coopération, je suis la
première à adhérer. Même que parfois, je
suis un peu trop sévère à cet effet avec une petite puce à qui je ne donne pas
assez droit à l’erreur en oubliant trop souvent qu’elle vient tout juste d’avoir
5 ans (mon entourage le confirmera – je suis définitivement une mère
sévère). Là où je fais bande-à-part, c’est
lorsque l’application de la rigueur éducative transcende le gros bon sens. Imagine-moi, ma chère fille, assise sur ma chaise de bois, lorsque j’entends : « Vos enfants peuvent déjeuner au service de garde mais doivent être complètement autonomes. Si vous leur mettez des contenants quelconques, ils doivent pouvoir les ouvrir – nous ne les aiderons pas ». Textuellement, tout de go! J’ai donc fait comme à l’école et j’ai levé ma main. J’ai parlé d’une voix claire et forte, telle que l’école me l’a apprise, et j’ai posé ma question : « Êtes-vous sérieux? Si ma fille qui a 5 ans, depuis 2 mois, a besoin d’aide pour un contenant quelconque, elle n’en recevra pas? J’ai certainement dû mal entendre, n’est-ce pas? ». Soudainement, le bruit des chaises de bois s’est mis à se faire plus vigoureux, plus sonore… Malgré qu’on m’ait apprise à ne pas chuchoter lorsque quelqu’un parle lors d’une présentation, il semble que nous n’ayons pas tous eu la même éducation puisqu’il y avait beaucoup de chuchotements. J’ai soudainement senti plusieurs regards sur moi, réprobateurs probablement, mais ça n’a jamais arrêté (hélas!) ta mère, chère enfant. Bien sûr, on a tenté de changer les mots lorsqu’on a voulu me fournir l’explication (manque de temps, « on ne peut pas commencer à faire ça pour tous les enfants », etc) mais je suis aussi du type à revenir à la charge. J’ai donc demandé, le plus candidement que je puisse le faire (hum…) : « Mais je croyais que c’était la mission d’un service de GARDE (avec le mot bien appuyé) de GARDER nos enfants. Je conviens que l’appellation est fausse puisque vous faites bien plus que de simplement GARDER, mais n’empêche. Si VOUS n’êtes pas là pour les accompagner et les aider, qui le fera? ». Bon… une ou deux mouches ont volé mais je crois bien qu’on t’aidera à ouvrir tes contenants, le cas échéant, ma belle fille…
Par la suite, on m’a indiqué que lorsque tu vas dehors en plein été, tu n’auras pas de crème solaire. Oh que non! Pas le temps pour ça! Si tu en veux, ou plutôt si je veux que tu en mettes, tu devras le faire toi-même. C’est ça l’autonomie fille! J’ai donc refait ce que l’école m’a apprise en levant ma main et j’ai demandé : « Alors, elles peuvent faire quoi les éducatrices pour AIDER nos enfants? ». On a tenté de me chanter la chanson courante, que de s’occuper d’autant d’enfants est difficile, que le temps manque, etc. J’ai donc répondu : « Mais non, les enfants passent TROP de temps au service de garde, c'est décrié dans plein d'études; même les journaux le disent… Vous avez certainement le temps non? Et je conçois que de s’occuper d’autant d’enfants est difficile… C’est d’ailleurs pourquoi j’ai abandonné cette profession. Ce n’est pas un métier mais bien une vocation. Mais je suis certaine que d’aligner les petits et de mettre du « spray » sur leurs petits bras et visages ne créera pas un retard sur les jeux libres, n’est-ce pas? Si ma fille fini avec des maladies de peau quelconque, je lui dirai qu’on n’avait pas le temps!? ». J’ai dû avoir des arguments de massue car personne n’a dit mot… La discussion a continué mais maintenant, on parlait beaucoup plus d’aide, de transition, d’accompagnement… Tiens donc!
Je te passe la rencontre avec ton professeur puisqu’elle fut satisfaisante. Elle appuyait ses requêtes avec des explications complètement logiques. Tu sais ma fille, que tu sois d’accord ou non dans n’importe quoi, c’est la logique qui prime. Lorsque logique il y a, c’est le gros bon sens qui l’emporte et c’est nonobstant les arguments de tous et chacun. Même ceux de ta maman. J’ai donc abdiqué puisque je dois, moi aussi, m’ajuster au fait que tu dois entrer dans ce cadre et suivre les règles des institutions.
Ce matin, je suis venue te déposer au service de garde. Il y avait une petite fille avec une doudou qui pleurait à une table, toute seule. Il y avait 5 enfants dans le service de garde et 4 éducatrices. Personne n’était avec la petite fille. Personne ne la consolait. Personne pour lui dire que ça va passer, pour lui changer les idées. J’ai donc cherché la transition qu’on a tenté de me vendre ainsi que l’accompagnement qui était en solde lorsque tu l’achetais la transition... Je n’ai rien vu. Manque de temps? À 7H00AM? Manque de ressources avec un ratio de 5 pour 4? Soupir…
J’ai rappelé à l’école à 9h30 pour m’assurer que tout allait bien. Oui, tu vas bien, même qu’on dirait que tu as « toujours été là » selon les dires de ton éducateur. Et la petite fille qui pleurait? Si ç'avait été toi, m’aurait-on dit la vérité? Qu’a-t-on dit à cette maman si elle a rappelé? Je me le demande… Je me sens spectatrice de tout ça puisque mon rôle doit être relégué au second plan. J’ai l’impression que l’école t’avale.
J’ai peur pour toi ma fille. C’est la jungle l’école. Tu vas adorer mais aussi détester cette institution où tu passeras près de 12 ans jusqu’au Cégep. Ce sont ces mêmes personnes qui manquent de temps et vraisemblablement d’empathie qui ont le mandat de prendre soin de toi lorsque ton père et moi seront absents… Et comment peut-on l’espérer lorsque ces mêmes gens ne consolent même pas une petite fille qui pleure? Tu es trop petite encore pour lever ta main avec des arguments bétons. Je ne peux que le faire pour toi… Tu devras me parler souvent ma fille, me tenir au courant sinon tu grandiras beaucoup trop vite à essayer de te défendre. Une enfant de 5 ans ne doit JAMAIS avoir à se défendre. Et je ne veux pas que tu le fasses, je veux que tu passes ton temps à avoir 5 ans…
Tes difficultés deviendront miennes. Je serai un rempart pour toi – je ne veux que personne ne t’atteigne même si je sais que c’est vain. Et je te jure sur l’amour que je te porte que je serai intransigeante et sans pardon au moindre manquement lié à l’intimidation. Car je me souviens parfaitement de l’effet que ça fait que d’être stigmatisée. Je me souviens encore plus du sentiment lorsqu’on s’en affranchit et qu’on refait aux autres ce qu’on a vécu. C’est encore pire, crois-moi. Être victime, on peut panser ses plaies – être bourreau on ne peut que penser aux plaies qu’on a produites.
Tu vas avoir toute l’aide demandée et souhaitée venant de ta mère ma belle amour. Mais n’accepte et ne fait jamais le mal…
Et si tu
n’arrives pas à ouvrir tes pots, je serai là aussi.
Ta mère
qui t’aime.
La Frustrée
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